Les fleurs carnivores by Marie-Chantale Gariépy

Les fleurs carnivores by Marie-Chantale Gariépy

Auteur:Marie-Chantale Gariépy [Gariépy, Marie-Chantale]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Québec
ISBN: 9782924207338
Publié: 2014-10-05T22:00:00+00:00


Nicolas

À la vue d’une marmotte écrasée, je me range sur le bas-côté. Les champs et, plus loin, les marécages sont recouverts de neige. Il en est encore tombé cette nuit. Je soulève l’animal quand une tache grumeleuse sur la neige un peu plus loin attire mon regard. C’est du vomi. Et quelques mètres en avant, un peu de sang, et des pas, des petits pas profonds, comme si quelqu’un avait traîné un poids, et que cela lui en avait coûté. Mes propres empreintes sont plus creuses selon que je porte une carcasse ou non. Je dépose la marmotte derrière le talus et je retourne au camion prendre mon fusil.

J’observe alentour, le Manoir s’élève à l’horizon et perce la blancheur. Le silence est soudain troublé par le passage d’une voiture. Le vent du nord souffle encore. Je suis la piste de sang et de pas. C’est ainsi que je la découvre, une frêle jeune femme sur un lit de neige. Pas le genre de découverte que je suis habitué de faire. Des perles de givre scintillent sur la fourrure du manteau déboutonné. Après avoir vérifié qu’elle respire toujours, j’hésite sur la suite. L’hôpital est trop loin, Ivana est partie à son pèlerinage annuel des marchés de Noël. Je me résigne.

Lorsque je soulève la femme, elle est à peine consciente. Jamais vu d’yeux aussi troubles. Je la traîne par le bras gauche, la soutenant sous l’aisselle. L’infortunée anhèle, fournit un effort surhumain. Elle me suit péniblement, puis son corps tombe sourdement dans la neige.

Je m’empresse d’aller chercher mon thermos dans le camion et reviens auprès d’elle, lui faire boire un peu de mon café au brandy. Je la hisse à nouveau. Nous avons quelques mètres à faire pour atteindre la route. Nous nous enfonçons à chaque pas dans la neige fraîche.

— Une minute, implore-t-elle.

Je m’arrête immédiatement. Je sens la chaleur de ma propre respiration. Je regarde cette femme qui essaie de dire quelque chose, j’espère qu’elle se taise. Elle enfonce son doigt dans sa gorge et déglutit. En relevant la tête, les yeux vers moi, suppliants, elle émet un râle guttural. Ses cheveux sont collés à ses tempes par la sueur. Je me demande si elle ne va pas mourir là, devant moi. Je remarque alors ses pieds nus. Et ses vêtements : un pyjama de satin sous une veste d’homme. Son état général contraste avec son allure racée, un rare pedigree. L’odeur du vomi est infecte, je manque de me pincer le nez, moi qui suis pourtant habitué aux dépouilles. Son haleine est rance, sa langue est gonflée et blanche. À croire qu’elle s’est intoxiquée.

J’envoie valser les gants, les doubles sacs et le gaff hook dans la boîte arrière du pick-up avec la pelle et j’installe son corps sur la banquette avant. Un chevreuil pèse en moyenne 125 livres ; elle a le même poids qu’un chevreuil.

Combien de temps est-elle restée ainsi dans le froid ? Ivana saurait me dire les précautions à prendre en cas d’hypothermie.

Je fais le tour du camion, m’installe derrière le volant, jette un coup d’œil à ma passagère.



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